Peut-on encore travailler plus ?

Un collaborateur tombe malade, une commande exceptionnelle arrive, etc., l’employeur a deux solutions : soit faire appel à une aide extérieure (CDD, intérim), soit augmenter le temps de travail des salariés en poste. Et, par ces temps de crise, certains salariés ne sont pas contre un petit complément de salaire…

Cependant, le cadre juridique diffère selon que le salarié travaille à temps plein ou à temps partiel.

Le salarié embauché à temps plein à qui l’employeur demande de faire des heures en plus effectue des heures supplémentaires

Tout employeur dispose d’un contingent annuel d’heures supplémentaires (par salarié) qu’il peut librement utiliser sans avoir à en informer préalablement l’inspecteur du travail (il doit toutefois informer les représentants du personnel, s’ils existent, le cas échéant). Ce contingent se décompte par année civile et par salarié. Il est fixé par convention ou accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche, étendu ou non. En l’absence d’accord collectif, il est fixé par décret à 220 heures par an et par salarié.

Tant qu’elle ne dépasse pas ce contingent, toute heure supplémentaire ne donne lieu qu’à une majoration de salaire. Le taux de majoration du salaire est fixé par accord collectif (minimum 10 %) ; à défaut, il est fixé par la loi à 25 % pour chacune des 8 premières heures et à 50 % pour les heures suivantes.

Le paiement des heures supplémentaires et des majorations s’y rapportant peut être remplacé par un repos compensateur équivalent, si un accord collectif le prévoit ou si les représentants du personnel, s’ils existent, ne s’y opposent pas.

Dans ce cas, les heures supplémentaires donnant lieu à un repos compensateur équivalent ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.

Les employeurs souhaitant faire travailler plus leurs salariés à temps plein doivent donc vérifier s’ils sont couverts par un accord collectif (leur convention collective, par exemple) pour connaître le contingent annuel d’heures supplémentaires dont ils disposent et le taux de majoration qu’ils doivent appliquer.

Toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent annuel doit faire l’objet d’une consultation des représentants du personnel si l’entreprise en dispose et ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos (de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés et de 50 % pour celles de 20 salariés au plus) qui s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.

Exemple :

Un salarié, pour finir de préparer une commande exceptionnelle, a travaillé 44 heures durant 4 semaines. Il a donc travaillé 9 heures supplémentaires au cours de chacune de ces 4 semaines.

Sauf accord collectif en disposant autrement, il a droit à une majoration de salaire de 25 % pour 32 heures et une majoration de salaire de 50 % pour 4 heures.

Il peut, à la place, bénéficier d’un repos compensateur majoré dans les mêmes proportions (32 heures à 25 % + 4 heures à 50 %).

Il est également possible de panacher les deux formules : par exemple, donner unrepos de 36 heures et payer, sous la forme d’une indemnité, la majoration due.

Le salarié embauché à temps partiel à qui l’employeur demande de faire des heures en plus effectue des heures complémentaires

Le nombre d’heures complémentaires autorisées est très réglementé. Un salarié ne peut accomplir au cours d’une même semaine ou d’un même mois un nombre d’heures complémentaires supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue dans son contrat de travail (C. trav. art. L. 3123-17). Une convention ou un accord collectif de branche étendu peut toutefois porter cette limite jusqu’au tiers de cette durée.

Par ailleurs, les heures complémentaires ne peuvent jamais avoir pour effet de porter la durée du travail du salarié au niveau de la durée légale du travail (ou de la durée conventionnelle). A défaut, le salarié est en droit d’obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein.

Les heures complémentaires coûteront plus cher à l’employeur à compter du 1er janvier 2014. La loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi prévoit en effet que les heures complémentaires n’excédant pas 10 % de la durée contractuelle seront majorées de 10 %. Concernant celles effectuées au-delà de 10 %, elles demeurent majorées à 25 %, sauf si une convention ou un accord de branche étendu prévoit un taux de majoration différent, lequel ne peut toutefois pas être inférieur à 10 %.

Contrairement aux heures supplémentaires, les heures complémentaires ne peuvent pas être récupérées sous la forme d’un repos. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de confirmer ce point (Cass. soc. 17 février 2010 n° 08-42.828).

Exemple :

Un salarié à temps partiel a un horaire contractuel de 110 heures par mois. Il peut être amené à travailler plus certaines semaines, dans la limite de 11 heures par mois (sans jamais atteindre 35 heures par semaine).

Jusqu’à présent, ces heures étaient payées au taux normal. A compter du 1er janvier 2014, elles devront être majorées d’au minimum 10 %.

Si une convention ou un accord de branche étendu le permet, ce salarié peut travailler jusqu’à 36 heures de plus par mois. Si, au mois de décembre, il a travaillé 140 heures, il sera payé 121 heures au tarif habituel (la majoration de 10 % débutant au 1er janvier 2014), les 19 heures restantes seront majorées de 25 %.

En aucun cas, le paiement de ces heures ne peut être remplacé par l’octroi d’un repos.

Autre limite à prendre en compte

En cas d’utilisation régulière d’heures complémentaires sur une période d’au moins 12 semaines consécutives, ou pendant 12 semaines au cours d’une période de 15 semaines ou sur la période prévue par l'accord collectif si elle est supérieure, l’employeur a l’obligation de modifier le contrat de travail en ajoutant à l’horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement effectué. Cette modification suppose que l’horaire moyen réellement effectué par le salarié ait été supérieur d’au moins 2 heures par semaine (ou l’équivalent mensuel de cette durée) à l’horaire prévu au contrat, qu’un préavis de 7 jours soit respecté et que le salarié ne s’y oppose pas (C. trav. art. L 3123-15).

Dans la pratique, pour éviter de payer des heures complémentaires majorées ou pour échapper aux limites très strictes imposées par la loi, les employeurs avaient recours à des avenants au contrat de travail afin d’augmenter temporairement la durée du temps de travail du salarié à temps partiel (par exemple, pour remplacer un collaborateur absent ou pour faire face à un accroissement temporaire d’activité). La Cour de cassation a cependant toujours condamné cette pratique, considérant que toutes les heures effectuées au-delà de la durée de travail prévue au contrat, qu’elles soient imposées par l’employeur ou qu’elles soient prévues par avenant au contrat de travail à temps partiel en application d’un accord collectif, sont des heures complémentaires (Cass. soc. 7 décembre 2010 n° 09-42.315).

La loi du 14 juin 2013 est toutefois venue assouplir ce dispositif tout en l’encadrant. Le nouvel article L 3123-25 du Code du travail permet en effet à l’employeur, si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, de conclure avec un salarié à temps partiel un avenant au contrat de travail augmentant temporairement sa durée contractuelle de travail. Les heures accomplies dans le cadre de tels avenants en sus de la durée initialement prévue sont dénommées « compléments d’heures ». Elles relèvent d’un régime juridique distinct de celui des heures complémentaires et leur mise en oeuvre est subordonnée à la conclusion et à l’extension d’un accord de branche.

Le nombre maximum d’avenants pouvant être conclus ne peut pas excéder 8 par an et par salarié, sauf s’il s’agit de remplacer un salarié absent nommément désigné. La convention ou l’accord de branche étendu peut prévoir la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de l’avenant. A défaut, ces heures sont rémunérées au taux normal.

En revanche, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent obligatoirement lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %.

Le prochain dossier du mois sera consacré à la caution du dirigeant d’une PME.

Pour aller plus loin

Un salarié peut-il refuser de travailler plus ?

Un salarié ne peut pas refuser, sans motif légitime, de faire des heures supplémentaires ou complémentaires si ces heures avaient été prévues au contrat de travail, si elles sont demandées dans l’intérêt de l’entreprise et si l’employeur respecte la réglementation. Concernant les heures complémentaires, le salarié doit avoir été prévenu 3 jours au moins à l’avance.

Aménager le temps de travail

Un accord d’entreprise peut, en effet, prévoir que des heures accomplies en plus certaines semaines puissent être récupérées plus tard de telle sorte que les salariés aient effectué, sur l’année, le nombre d’heures contractuel. Cet aménagement peut être mis en place pour tous les salariés (temps plein et temps partiel), mais nécessite la signature d’un accord collectif.

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