Les apports de la loi « Attractivité » pour les sociétés

Dans l’objectif de renforcer le financement des entreprises et l’attractivité économique de la France, la loi dite « Attractivité » du 13-6-2024 (JO du 14) modifie le droit des sociétés afin de faciliter la gouvernance des entreprises, en assouplissant, entre autres, les modalités de consultation et de vote des associés et actionnaires et le recours à la dématérialisation des assemblées et conseils.

Consultation des associés de SARL

Approbation des comptes annuels (art. 18-II, 2°a)

Jusqu’à présent, une assemblée générale réunissant les associés était obligatoire pour approuver les comptes annuels d’une société à responsabilité limitée (SARL). Désormais, les statuts d’une SARL pourront prévoir l’approbation annuelle des comptes par consultation écrite des associés ou dans un acte constatant le consentement de tous les associés (acte unanime) (C. com. art. L 223-27, al. 1). Ces deux modes de consultation qui étaient, jusqu’à présent, prohibés pour l’approbation des comptes annuels sont donc désormais autorisés.

Consultation écrite ou acte unanime (y compris par voie électronique) (art. 18-II, 2°).

La consultation écrite des associés, qui doit être prévue par les statuts, est désormais possible par voie électronique, et ce, pour toutes les décisions (dont l’approbation des comptes annuels). De même, les décisions résultant d’un acte unanime des associés peuvent désormais être prises par voie électronique (C. com. art. L 223-27, al. 1). Les statuts devront définir les délais et modalités de cette consultation par voie électronique (qui pourra être réservée à certaines décisions).

Participation et vote aux assemblées de SARL

Participation dématérialisée (art. 18-II, 2°b)

Sauf pour l’approbation des comptes annuels, les associés de SARL peuvent participer aux assemblées par visioconférence ou par des moyens de télécom­munication permettant l’identification des associés lorsque les statuts le prévoient (C. com. art. L 223-27, al. 3). Cette participation dématérialisée sera toujours possible, mais la loi fait désormais référence à « un moyen de télécommunication permettant l’identification des associés » (la visioconférence faisant en effet partie des moyens de télécommunication permettant cette identification).

Vote par correspondance (art. 18-II, 2°a)

Les associés de SARL pourront voter par correspondance à une assemblée générale si les statuts l’autorisent. Ce vote se fera au moyen d’un formulaire dont les mentions seront fixées par décret à paraître (C. com. art. L 223-27, al. 1).

 Et dans les SNC, SCS et société civile ? (art. 18-I et II, 1°)

Dans les sociétés en nom collectif (SNC) et dans les sociétés en commandite simple (SCS), la consultation écrite des associés était déjà possible, sauf pour l’approbation annuelle des comptes, si la réunion d’une assemblée n’était pas demandée par l’un des associés. Cette consultation écrite pourra désormais avoir lieu par voie électronique, selon les délais et les modalités prévus par les statuts, sauf si, comme auparavant, la réunion d’une assemblée est demandée par l’un des associés (C. com. art. L 221-6, al. 2 et art. L 222-2).

De même, la consultation écrite par voie électronique peut être prévue par les statuts d’une société civile (C. civ. art. 1853).

 Assemblées d’actionnaires et délibérations des organes de décision des SA et SCA

Que la société anonyme (SA) soit gérée par un conseil d’administration ou un directoire et un conseil de surveillance, la loi « Attractivité » facilite la participation des actionnaires à des assemblées à distance, ainsi que celle des administrateurs et membres du conseil de surveillance au sein de leurs conseils respectifs. Comme pour les SARL, la consultation écrite électronique et le vote par correspondance au sein de ces conseils sera possible. Certaines mesures concernent également la société en commandite par actions (SCA), par renvoi notamment (C. com. art. L 226-1, al. 2) des articles de la SA qui lui sont applicables.

Dématérialisation des assemblées d’actionnaires (art. 18-II, 5° et 6°)

Tenue dématérialisée des assemblées

Les assemblées de SA et de SCA qui pouvaient déjà se tenir par des moyens de télécommunication (dont la visioconférence) permettant l’identification des actionnaires, si les statuts le prévoyaient, pourront toujours l’être, mais sans qu’il soit nécessaire qu’une clause statutaire le prévoit (C. com. art. L 225-103-1, al. 1). Toutes les assemblées (y compris les assemblées spéciales) sont concernées.

Assemblées exclusivement dématérialisées

Jusqu’à présent, sous réserve que les statuts le prévoient, seules les assemblées générales ordinaires (AGO) et extraordinaires (AGE) des SA et des SCA pouvaient être exclusivement dématérialisées. Désormais, les statuts pourront également le prévoir pour les assemblées spéciales (C. com. art. L 225-103-1, al. 3). Toutes ces assemblées pourront donc avoir lieu exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires dès lors que les statuts l’autorisent.

Le droit d’opposition à la tenue d’une AGE exclusivement dématérialisée, ouvert à un ou plusieurs actionnaires, est maintenu, mais ces derniers devront désormais représenter au moins 25 % du capital social (au lieu de 5 % actuellement) (C. com. art. L 225-103-1, al. 4).

Convocation et quorum

Que l’assemblée soit générale ou spéciale, le recours à un moyen de télécommunication devra être indiqué dans l’avis de convocation.

Les actionnaires participant à l’assemblée par un moyen de télécommunication permettant leur identification seront réputés présents pour le calcul du quorum (C. com. art. L 225-103-1, al. 2).

 

Dématérialisation des délibérations des conseils (art. 18-II, 4°)

Jusqu’à présent, les membres du conseil d’adminis­tration ou de surveillance des SA pouvaient participer aux délibérations du conseil de façon dématérialisée par des moyens de télécommunication (dont la visioconférence) permettant leur identification et garantissant leur participation effective si les statuts ne l’interdisaient pas et sous réserve que cela soit prévu par une clause du règlement intérieur. Cette possibilité était toutefois interdite pour certaines délibérations du conseil d’administration (établissement des comptes annuels, du rapport de gestion, des comptes consolidés et du rapport de gestion du groupe / C. com. art. L 225-37, al. 3) et du conseil de surveillance (vérification et contrôle des comptes annuels et consolidés / C. com. art. L 225-82, al. 3).

Ces restrictions sont supprimées et il suffit désormais que les statuts ou le règlement intérieur n’interdise pas la dématérialisation des délibérations.

La participation au conseil d’administration ou au conseil de surveillance par un moyen de télécommunication est désormais possible, quelle que soit la nature de la décision

Comme précédemment, les statuts peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d’une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d’opposition au profit d’un nombre déterminé d’admi-nistrateurs ou de membres du conseil de surveillance.

Consultation et vote des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (art. 18-II, 3°, 4° b et 7°)

Consultation écrite des membres, y compris par voie électronique

Jusqu’à présent, les statuts d’une SA pouvaient autoriser une consultation écrite des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance pour certaines décisions limitativement énumérées par la loi : nomination provisoire de membres du conseil (vacance d’un siège par décès ou démission, notamment), autorisation des cautions, avals et garanties donnés par la société, mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives et réglementaires, convocation de l'assemblée générale et transfert du siège social dans le même département.

Désormais, la consultation écrite peut être prévue par les statuts pour l’ensemble des décisions (ou certaines d’entre elles) du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des SA, mais également du conseil de surveillance des SCA, sous réserve pour les statuts de prévoir que tout membre du conseil puisse s'opposer à ce qu'il soit recouru à cette modalité (C. com. art. L 225-37, al. 3 pour le conseil d’administration et art. L 225-82, al. 3 pour le conseil de surveillance ; C. com. art. L 226-4, al. 5 pour les SCA).

Cette consultation écrite pourra également se faire par voie électronique s’agissant des délibérations des conseils d’administration des SA et du conseil de surveillance des SCA. Les délais et modalités de cette consultation seront définis par les statuts.

Dans les SA à conseil de surveillance, le président du conseil pourra décider que les membres du conseil peuvent communiquer leur réponse par message électronique à l'adresse électronique indiquée.

Les sociétés devront modifier leurs statuts pour l’application de certaines mesures (consultation écrite, notamment)

Le vote par correspondance autorisé

Les statuts pourront désormais prévoir le vote par correspondance des membres des conseils d’admi-nistration de SA (C. com. art. L 225-37, al. 3) et des conseils de surveillance de SA (C. com. art L 225-82, al. 3) et de SCA (C. com. art. L 226-4, al. 5). Ce vote se fera au moyen d’un formulaire dont les mentions seront fixées par un décret (à paraître).

 

Masse des obligataires (art. 21, 5° et 6°)

Les règles de détermination de la majorité requise pour l’adoption des décisions collectives des obligataires sont modifiées.

Les décisions des assemblées d’obligataires sont, en effet, désormais prises à la majorité des deux tiers des voix exprimées par les porteurs présents ou représentés (et non plus à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les porteurs présents ou représentés). La non-participation au vote, les abstentions, les votes blancs ou nuls sont exclus du décompte de ces voix (C. com. art. 228-65, II).

De même, jusqu’à présent, dans le cadre du vote par correspondance des obligataires avant l’assemblée, les formulaires ne donnant aucun sens de vote ou exprimant une abstention étaient considérés comme des votes négatifs. Désormais, ils ne sont pas considérés comme des votes exprimés (C. com. art. 228-61, al. 4).

 

Fonctionnement et gouvernance des SA et SCA

Enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de la société (art. 20)

Depuis la loi 2019-486 du 22-5-2019, le conseil d'administration ou le directoire d'une SA doit déterminer les orientations de l'activité de la société en considération des enjeux sociaux et environne-mentaux de cette activité et, depuis la loi 2022-296 du 2-3-2022, des enjeux culturels et sportifs (C. com. art. L 225-35, al. 1 pour le conseil d’administration et art. L 225-64, al. 1 pour le directoire). La référence aux enjeux culturels et sportifs est supprimée car qu’elle suscitait des difficultés d’interprétation. Seuls les enjeux sociaux et environnementaux doivent donc désormais être pris en considération par le conseil d’administration ou le directoire.

Mise en conformité des statuts (art. 21, 1° et 3°)

Afin de mettre les statuts de la SA en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires, le conseil d’administration ou le conseil de surveil­lance peut les modifier, sous réserve, jusqu’à présent, d’avoir reçu une délégation à cette fin de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) (C. com. L 225-36 al. 2 pour le conseil d’administration et art. L 225-65 al. 2 pour le conseil de surveillance). La nécessité d’obtenir au préalable cette délégation est supprimée. Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance peut donc désormais modifier directement les statuts, sous réserve que ces modifications statutaires soient ratifiées (comme auparavant) par la prochaine AGE.

Inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour (art. 19)

Un ou plusieurs actionnaires de SA représentant un pourcentage minimal du capital social (5 % du capital s’il n’excède pas 750 000 € , pourcentage dégressif ensuite en fonction du montant du capital) peuvent requérir l’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée (C. com. art. L 225-105, al. 2). Il en est de même dans les SCA (sur renvoi de l’article L 226-1, al. 2).

En cas de refus par le conseil d’administration ou le directoire d’inscrire ces points ou ces projets de résolution à l’ordre du jour, le tribunal de commerce statuera sur le recours des actionnaires selon la procédure accélérée au fond, ce qui leur permettra d’obtenir un jugement au fond plus rapidement.

SA à directoire et conseil de surveillance (art. 21, 2° et 4°)

Nouveau seuil pour la nomination d’un directeur général unique

Les SA à directoire sont composées au minimum de 2 membres et au maximum de 5 membres, sauf si le capital de la SA est inférieur à 150 000 €. Dans ce cas, les fonctions du directoire peuvent être exercées par une seule et même personne, le directeur général unique. Afin de tenir compte de l’actuelle inflation, un nouveau seuil de capital sera fixé par décret (à paraître) (C. com. art. L 225-58, al. 2).

Nomination de plusieurs vice-présidents

Le conseil de surveillance d’une SA peut désormais nommer parmi ses membres plusieurs vice-présidents (au lieu d’un seul). Cette mesure a pour objet de pallier l’absence concomitante du président et du vice-président du conseil de surveillance, chargés de convoquer le conseil et d'en diriger les débats (C. com. L 225-81).

Entrée en vigueur

Les mesures de l’article 18 devaient entrer en vigueur à compter d'une date fixée par décret (non paru à ce jour) et au plus tard le 13‑9‑2024.

Les autres mesures évoquées sont applicables depuis le 15-6-2024 (sauf celles nécessitant un décret d'application).

 

D'autres mesures à venir pour 2025

Ordonnances gouvernementales : le Gouvernement est habilité à prendre différentes ordonnances, dont certaines pour simplifier le régime des nullités en droit des sociétés (constitutions et délibérations) d’ici le 13-3-2025.

Dématérialisation des titres transférables (lettres de change, billets à ordre, récépissés-warrants, bordereaux de cession ou de nantissement Dailly) : au plus tard le 13-3-2025 (décret à paraître), ces titres pourront être établis, signés et conservés sous forme électronique.

Auteur : Éditions Lefebvre Dalloz – Tous droits réservés.

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