Vers une négociation collective renforcée

Afin de favoriser la négociation collective dans les entreprises sans délégué syndical, l’ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017 permet désormais à l’employeur de négocier directement avec son personnel.

Afin de favoriser la négociation collective dans les entreprises sans délégué syndical, l’ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017 permet désormais à l’employeur de négocier directement avec son personnel. Par ailleurs, dans la continuité de la loi Travail de 2016, la place accordée à l’accord d’entreprise est renforcée.

Conclure des accords collectifs avec ou sans délégué syndical

Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical : des modalités assouplies

Afin de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises à la négociation collective, l’ordonnance redéfinit les conditions de négociation et de conclusion des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de conseil d’entreprise. Ces nouvelles modalités diffèrent selon la taille de l’entreprise.

Entreprises de moins de 11 salariés

L’employeur peut désormais proposer directement aux salariés un projet d’accord portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise. Le projet d’accord doit être communiqué à chaque salarié et un délai minimum de 15 jours, à compter de cette communication, doit être respecté avant d’organiser la consultation du personnel. L’accord est valide s’il est ratifié à la majorité des 2/3 du personnel.

Entreprises de 11 à 20 salariés

Le recours au référendum évoqué ci-dessus sur la base d’un projet d’accord proposé par l’employeur est également possible dans ces entreprises lorsqu’elles sont dépourvues d’élus au comité social et économique (CSE).

Entreprises de 11 (ou 21 si pas d’élus) à 49 salariés

Un accord d’entreprise (ou d’établissement) peut être négocié, conclu et révisé au choix de l’employeur :

– soit par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans la branche (ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel), membres ou non du CSE. Si l’accord est conclu par des salariés mandatés non élus du CSE, il doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ;

– soit par un ou plusieurs membres de la délégation du personnel au CSE, mandatés ou non.

Les signataires doivent représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles pour que l’accord soit valide.

Ces accords peuvent porter sur tous les thèmes pouvant être négociés par accord d’entreprise ou d’établissement. Auparavant, l’accord signé par un élu non mandaté ne pouvait porter que sur les mesures dont la mise en oeuvre était subordonnée par la loi à un accord collectif.

Entreprises d’au moins 50 salariés

Dans ces entreprises, les règles de négociation antérieures à l’ordonnance restent pour l’essentiel inchangées : priorité au mandatement (priorité des élus mandatés sur les élus non mandatés) et aux institutions représentatives du personnel (priorité de l’élu, mandaté ou non, sur le salarié mandaté).

Entreprises d’au moins 50 salariés (avec élus)

Avant

Après

Négociateurs

Priorité de l’élu mandaté sur l’élu non mandaté

Négociation possible avec le ou les salariés mandatés si aucun élu n’a manifesté son souhait de négocier

Pas de changement

Conditions de validité

Si mandatement  (élu(s) / salarié(s)) : approbation de l’accord par les salariés à la majorité des suffrages exprimés

En l’absence de mandatement  (élu(s) non mandaté(s)) : le ou les élus non mandatés doivent être titulaires et représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections

Le ou les élus non mandatés ne sont pas nécessairement des élus titulaires*

Les accords conclus avec des élus non mandatés n’ont plus à être transmis pour information à la commission paritaire de branche

Thèmes

Si mandatement  (élu(s) / salarié(s)) : ensemble des thèmes ouverts à la négociation d’entreprise

En l’absence de mandatement  (élu(s) non mandaté(s)) : uniquement sur les mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif

Pas de changement

Négociation dans les entreprises pourvues d’un délégué syndical : un référendum facilité

Depuis la loi Travail, les accords collectifs d’entreprise doivent être signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs majoritaires(1). Toutefois, en cas d’accord minoritaire, les syndicats représentatifs signataires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au 1er tour des dernières élections professionnelles peuvent organiser une consultation auprès des salariés pour valider l’accord.

Désormais, l’employeur peut également être à l’initiative de ce référendum si les syndicats signataires de l’accord minoritaire n’ont pas déclenché cette consultation et sous réserve que l’ensemble des syndicats ne s’y oppose pas.

(1) C’est-à-dire ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au 1er tour des dernières élections des titulaires au CSE. Ce dispositif s’applique depuis le 1-1-2017 aux accords sur la durée du travail, les repos et les congés et depuis le 23-9-2017 aux accords de nécessité. Pour les accords portant sur d’autres thèmes, ces conditions de validité entreront en vigueur le 1-5-2018 (au lieu du 1-9-2019) – sauf pour les anciens accords de maintien dans l’emploi –, la généralisation des accords majoritaires étant avancée à cette date.

Concernant le protocole organisant la consultation des salariés, sa conclusion n’est plus réservée aux syndicats signataires de l’accord. Il est désormais conclu entre l’employeur et un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au 1er tour des dernières élections.

Contentieux des accords collectifs : vers une sécurisation

Afin de sécuriser les accords collectifs, le Code du travail prévoit qu’il appartient à celui qui conteste la légalité d’un accord collectif de démontrer qu’il n’est pas conforme aux conditions légales qui le régissent (donc d’apporter la preuve de son illégalité).

L’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de 2 mois à compter :

– pour les syndicats disposant d’une section syndicale dans l’entreprise, de la notification de l’accord d’entreprise, à l’issue de la procédure de signature, par le syndicat signataire le plus diligent ;

– dans tous les autres cas, de la publication de l’accord dans la base de données nationale des accords collectifs.

Ce délai de 2 mois ne concerne pas la contestation des accords de méthode conclus en cas de licenciement collectif pour motif économique, des accords portant sur les plans de sauvegarde de l’emploi et des accords de rupture conventionnelle collective.

L’annulation de l’accord collectif par le juge a normalement un effet rétroactif (il est réputé n’avoir jamais existé). Désormais, s’il considère que l’effet rétroactif est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives (atteinte à des situations acquises ou existence d’un intérêt général), le juge pourra :

– soit décider que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ;

– soit moduler dans le temps les effets de sa décision.

Une nouvelle articulation entre accord d’entreprise et accord de branche

Primauté de l’accord d’entreprise

Depuis le 1er janvier 2018, le principe est le suivant : l’accord d’entreprise (ou d’établissement) prime sur l’accord de branche. Toutefois, dans certains domaines limitativement énumérés par la loi, l’accord de branche prime de manière impérative sur l’accord d’entreprise ou peut interdire à l’accord d’entreprise de comporter des stipulations différentes.

Cette nouvelle répartition des rôles entre la branche et l’entreprise s’articule autour de 3 blocs :

1er bloc : thèmes où l’accord de branche prime

Ce bloc regroupe 13 thèmes réservés à la branche. Les dispositions de l’accord de branche prévalent sur celles de l’accord d’entreprise (que ce dernier soit conclu avant ou après la date d’entrée en vigueur de l’accord de branche), sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes à celles prévues par l’accord de branche.

Sont concernées les dispositions portant sur les thèmes suivants :

– les salaires minima hiérarchiques ;

– les classifications ;

– la mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;

– la mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;

– les garanties collectives de protection sociale complémentaire ;

– la durée du travail(2) (certaines mesures seulement : durée minimale du travail à temps partiel, taux de majoration des heures complémentaires…) ;

– les CDD et l’intérim (durée totale du contrat, nombre maximal de renouvellements, délai de carence en cas de succession de contrats) ;

– le recours au travail temporaire au titre des mesures pour l’emploi et la formation professionnelle(2) ;

– le CDI de chantier (notamment motifs de recours) ;

– l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

– les conditions et durées de renouvellement de la période d’essai(2) ;

– les modalités de transfert conventionnel des contrats de travail ;

– le portage salarial : rémunération minimale du salarié porté et montant de l’indemnité d’apport d’affaire(2).

(2) Ces thèmes relevaient déjà de la négociation de branche.

2e bloc : thèmes que l’accord de branche peut verrouiller

Ce bloc comporte une liste limitative de 4 thèmes pour lesquels l’accord de branche peut prévoir qu’il prévaut sur les accords d’entreprise conclus postérieurement. Une telle clause de verrouillage interdit donc à tout accord d’entreprise conclu postérieurement à l’accord de branche de comporter des stipulations différentes, sauf si l’accord d’entreprise comporte des garanties au moins équivalentes.

Relèvent de ce bloc les sujets suivants :

– la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ;

– l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;

– les délégués syndicaux (DS) : effectif à partir duquel ils peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ;

– les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Concernant les clauses de verrouillage déjà existantes sur ces thèmes, elles continuent de produire effet sous réserve d’une confirmation (par avenant) en ce sens par les branches avant le 1er janvier 2019. Seules les clauses contenues dans les accords de branche étendus peuvent être confirmées.

3e bloc : thèmes relevant prioritairement de l’accord d’entreprise

Ce bloc regroupe tous les autres thèmes de négociation collective (ceux qui ne relèvent ni du bloc 1 ni du bloc 2). Dans ces matières, l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche ayant le même objet, qu’il soit conclu avant ou après la date d’entrée en vigueur de l’accord de branche, et même s’il est moins favorable aux salariés.

Le champ de la primauté de l’accord d’entreprise, jusqu’à présent limité à la durée du travail, aux repos et aux congés, est donc considérablement élargi.En l’absence d’accord d’entreprise, l’accord de branche s’applique.

Les clauses de verrouillage des accords de branche portant sur un thème du bloc 3 ont cessé de produire leurs effets vis-à-vis des accords d’entreprise le 1er janvier 2018.

Remarque : Création d’un observatoire départemental pour les TPE/PME

Mis en place au niveau départemental, un observatoire d’analyse et d’appui au dialogue social a pour mission de favoriser et d’encourager le développement du dialogue social et la négociation collective au sein des entreprises de moins de 50 salariés. Sa composition est tripartite (représentants de salariés, d’employeurs et de l’administration). Il doit établir un bilan annuel du dialogue social dans le département et apporter son concours et son expertise juridique aux entreprises dans le domaine du droit social. Il peut également être saisi par les organisations syndicales ou professionnelles de toutes difficultés rencontrées dans le cadre d’une négociation.

Remarque : Extension des accords de branche : des mesures pour les petites entreprises

Pour pouvoir être étendus, les conventions et accords collectifs de branche doivent désormais comporter des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés ou, à défaut, justifier des motifs pour lesquels ils ne comportent pas de telles stipulations.

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